Tout tombe.
Il faudrait une douceur infinie.

Pourquoi ce livre ?
Mue d’abord par un désir intime, lié à mon histoire familiale, j’ai recueilli au fil d’une série de rencontres les témoignages de personnes épileptiques ou proches d’épileptiques. Les épileptiques : 1% de la population, près de 700000 personnes et 2 morts par jour en France, environ 700 chaque année, si on compte seulement les morts subites épileptiques. Un silence séculaire, tout juste égratigné par les coups de pioche pourtant assidus des jeunes neurosciences, entoure cette maladie fascinante. Les couches d’isolant sont épaisses : on meurt encore, et on vit parfois bien, parfois très mal, sans justification qui tienne.
Ni les tout petits formats de discours que charrie internet, ni le cadre des consultations médicales ne laissent se déployer de récits complexes. Les groupes de pair aidance brisent l’isolement, mais leur principe même fait qu’on y reste entre soi. Je voulais un livre porte-voix. Là où nous en sommes, l’absence de réponse est-elle une bonne raison pour faire taire les questions ? Non.
Il y a eu quelques semaines d’hésitation : j’aurais aimé engager le dialogue avec des médecins. Leur faire lire chaque histoire et récolter leurs commentaires. Plusieurs épileptologues se sont dit très intéressés, mais c’était trop de travail. Finalement, je m’en suis vite consolée : tout l’intérêt de ce que ce livre donne à lire est justement que le sujet médical est abordé par l’autre bout…
Le livre est disponible chez BoD édition.
Élizabeth
« Avec ce présent qui ne sera plus de mon passé »
Mes souvenirs d’épilepsie dans l’enfance, les réactions de ma mère, des camarades, des adultes de l’école : quelles traces cela a laissé en moi. Mais aussi l’expérience des épilepsies de mes frères, les sentiments et pensées qui me traversaient lors de leurs crises.
Aurélie
« Ce n’est rien ».
Aurélie n’a plus de crises depuis de nombreuses années. Elle raconte ses souvenirs de l’époque où elle en avait, et s’interroge sur ce qu’il en reste : doit-elle encore dire qu’elle est épileptique, ou non ? Est-ce que c’est vrai que ce n’était rien, ou est-ce tout de même une expérience bien particulière ?
Réaction de Thomas au témoignage d’Aurélie et à cette idée que « ce n’est rien ».
Baptiste
« On connaît les conditions ».
Un jeune homme de 20 ans fait le récit de ses premières crises à l’adolescence, des réactions des autres, parle des médicaments et des stratégies auxquelles il se tient pour ne pas laisser la maladie lui pourrir la vie. Il évoque ce à quoi il doit renoncer, et sa vie quand même vraiment belle.
Laure
Séparations
C’est une histoire très courte : Laure n’a eu qu’une seule crise dans sa vie, due à un accès de fièvre alors qu’elle était encore un bébé. Pourtant, cette crise unique a laissé de profondes traces, creusant encore un sillon déjà imprimé par le drame familial qui avait touché sa grand-mère. Une histoire de pouvoir patriarchal.
Dolma
Sodium valproate des sommets
Appel en visio avec le père de Dolma qui est au Tibet. Il me raconte l’épilepsie de sa fille, les réactions des gens au village, la façon dont l’école s’est arrangée, l’accès difficile à une aide médicale cohérente, proche, et à des informations complètes sur internet. Il me pose des questions, auxquelles je peux répondre seulement en partie. Il exprime ses angoisses vis-à-vis de l’avenir. Dolma, elle, ne s’inquiète apparemment pas.
Marie und Tauriel
Bergère
Ici il est question d’une incroyable chienne d’assistance, une pro, qui aide Marie (22 ans), quand elle a une crise. Mais rapidement Marie me parle d’autres problèmes, car elle a aussi un cancer, un TSA (trouble du spectre autistique), pas de famille, et n’a été diagnostiquée que très tard.
Interlude > Extrêmement impressionnée par le comportement de Tauriel, j’essaye de comprendre. Elle fait bien plus que d’être là en cas de crise.
Émmanuel
Pas grand-chose et beaucoup sont dans un bateau. Que personne ne tombe à l’eau !
Emmanuel a 14 ans. Son papa souffre d’épilepsie. Quand E. était petit, son père avait encore des crises mensuelles, presque toujours de nuit. A la faveur de changements de traitement, c’est aussi arrivé parfois de jour. Un accident de voiture a même failli leur coûter la vie à cause de cela, mais E. l’a oublié. Un oncle est mort d’épilepsie, aussi, mais E. n’y pense pas. Il ne se souvient pas de grand-chose, en fait c’est la première fois qu’il parle de tout cela et… qu’il réalise que ça le rend quand même triste, même s’il sait que ses parents font tout pour que rien ne soit trop grave.
Nicolas
Pizzicato, Pizzaiolo
Nicolas est professeur d’alto. Il revient sur les inventions pédagogiques qui furent nécessaires au fil des années pour enseigner au mieux la musique à Anh-Minh, une de ses élèves, atteinte d’une épilepsie sévère. Les heures d’instrument étaient des moments privilégiés pour Anh-Minh. Nicolas s’engage pour une meilleure formation des professeurs à l’inclusion, y compris dans les conservatoires.
Anh-Minh
Deux heures plus tôt…
Le papa d’Anh-Minh (22 ans) parle – puisqu’Anh-Minh parle très peu. Il parle de sa famille, du Vietnam, et bien sûr d’Anh-Minh : ce qu’elle est en mesure d’apprendre ou non, les médicaments qui ne suffisent pas, les difficultés à trouver pour Anh-Minh un établissement scolaire qui convienne. Il raconte aussi la naissance d’Anh-Minh : peut-être la vie aurait-elle pu être complètement différente. Et puis il y a des questions sur l’avenir.

Résumé des chapitres
Introduction : le premier constat est celui d’une ignorance encore très répandue à propos des épilepsies. Il faut donc rappeler ce dont il s’agit, où l’on en est, quels sont les enjeux et en quoi ils dépassent le sort des personnes directement concernées (même si ce dernier, étant donné la fréquence de la maladie, devrait suffire à susciter notre intérêt). J’explique ensuite comment j’en suis venue à écrire ce livre – mon lien personnel avec la maladie. On comprend pourquoi j’ai voulu que les témoins qui s’expriment dans le livre soient le plus possible différents les uns des autres, pourquoi j’ai voulu illustrer ce livre, pourquoi j’aimerais que des médecins lisent eux aussi ce livre, et comment le livre fonctionne.
Elisabeth
„Avec ce présent qui ne sera plus de mon passé“
Mes souvenirs d’épilepsie dans l’enfance, les réactions de ma mère, des camarades, des adultes de l’école : quelles traces cela a laissé en moi. Mais aussi l’expérience des épilepsies de mes frères, les sentiments et pensées qui me traversaient lors de leurs crises.
Bruno
Prélude. Hommage à tes conjectures.
Je raconte ici les derniers mois de mon frère Bruno, son errance médicale, sa situation difficile à résumer, les semaines en psychiatrie, et le jour où j’ai appris qu’il avait été trouvé mort.
Aurélie
“Ce n’est rien ».
Aurélie n’a plus de crises depuis de nombreuses années. Elle raconte ses souvenirs de l’époque où elle en avait, et s’interroge sur ce qu’il en reste : doit-elle encore dire qu’elle est épileptique, ou non ? Est-ce que c’est vrai que ce n’était rien, ou est-ce tout de même une expérience bien particulière ?
Réaction de Thomas au témoignage d’Aurélie et à cette idée que « ce n’est rien ».
Baptiste
„On connaît les conditions“
Un jeune homme de 20 ans fait le récit de ses premières crises à l’adolescence, des réactions des autres, parle des médicaments et des stratégies auxquelles il se tient pour ne pas laisser la maladie lui pourrir la vie. Il évoque ce à quoi il doit renoncer, et sa vie quand même vraiment belle.
Laure
Séparations
C’est une histoire très courte : Laure n’a eu qu’une seule crise dans sa vie, due à un accès de fièvre alors qu’elle était encore un bébé. Pourtant, cette crise unique a laissé de profondes traces, creusant encore un sillon déjà imprimé par le drame familial qui avait touché sa grand-mère. Une histoire de pouvoir patriarchal.
Dolma
Sodium valproate des sommets
Appel en visio avec le père de Dolma qui est au Tibet. Il me raconte l’épilepsie de sa fille, les réactions des gens au village, la façon dont l’école s’est arrangée, l’accès difficile à une aide médicale cohérente, proche, et à des informations complètes sur internet. Il me pose des questions, auxquelles je peux répondre seulement en partie. Il exprime ses angoisses vis-à-vis de l’avenir. Dolma, elle, ne s’inquiète apparemment pas.
Marie und Tauriel
Bergère
Ici il est question d’une incroyable chienne d’assistance, une pro, qui aide Marie (22 ans), quand elle a une crise. Mais rapidement Marie me parle d’autres problèmes, car elle a aussi un cancer, un TSA (trouble du spectre autistique), pas de famille, et n’a été diagnostiquée que très tard.
Interlude > Extrêmement impressionnée par le comportement de Tauriel, j’essaye de comprendre. Elle fait bien plus que d’être là en cas de crise.
„L’enfance, ça joue beaucoup. “
Marie continue à me raconter : comment elle s’est habituée à « ne vivre que de la merde », à quel point ça a été important qu’on commence (enfin) à prendre soin d’elle, à l’hôpital, et pourquoi elle considère les maladies dont elle souffre comme les conséquences de son enfance très dure. Et elle me parle de sa relation avec sa compagne actuelle, Elo.
Emmanuel
Pas grand-chose et beaucoup sont dans un bateau. Que personne ne tombe à l’eau !
Emmanuel a 14 ans. Son papa souffre d’épilepsie. Quand E. était petit, son père avait encore des crises mensuelles, presque toujours de nuit. A la faveur de changements de traitement, c’est aussi arrivé parfois de jour. Un accident de voiture a même failli leur coûter la vie à cause de cela, mais E. l’a oublié. Un oncle est mort d’épilepsie, aussi, mais E. n’y pense pas. Il ne se souvient pas de grand-chose, en fait c’est la première fois qu’il parle de tout cela et… qu’il réalise que ça le rend quand même triste, même s’il sait que ses parents font tout pour que rien ne soit trop grave.
Nicolas
Pizzicato, Pizzaiolo
Nicolas est professeur d’alto. Il revient sur les inventions pédagogiques qui furent nécessaires au fil des années pour enseigner au mieux la musique à Anh-Minh, une de ses élèves, atteinte d’une épilepsie sévère. Les heures d’instrument étaient des moments privilégiés pour Anh-Minh. Nicolas s’engage pour une meilleure formation des professeurs à l’inclusion, y compris dans les conservatoires.
Anh-Minh
Deux heures plus tôt…
Le papa d’Anh-Minh (22 ans) parle – puisqu’Anh-Minh parle très peu. Il parle de sa famille, du Vietnam, et bien sûr d’Anh-Minh : ce qu’elle est en mesure d’apprendre ou non, les médicaments qui ne suffisent pas, les difficultés à trouver pour Anh-Minh un établissement scolaire qui convienne. Il raconte aussi la naissance d’Anh-Minh : peut-être la vie aurait-elle pu être complètement différente. Et puis il y a des questions sur l’avenir.
Nanou
„ Et tout le monde s’en fout. “
Nanou (46 ans) a partagé pendant des années la vie d’un homme épileptique. Elle me parle de toutes les questions restées sans réponses toutes ces années, de tout ce qu’elle a appris « sur le tas », de la façon dont elle a essayé de l’aider, alors qu’elle aurait souvent, elle-même, aimé être aidée. Parfois la colère remonte, aujourd’hui encore. Elle se rappelle des moments de danger, les difficultés de leur couple. Désormais ils sont séparés depuis plusieurs années, et sa santé à lui est meilleure – et pourtant, elle sera toujours là pour lui, si nécessaire
Dilou
„ Il reste un besoin de pénombre. “
Odile (66 ans), durant toute son enfance et son adolescence, n’a pas autant fréquenté l’école que d’autres : les médicaments et l’épilepsie l’alourdissaient d’une fatigue extraordinaire. Elle se souvient de la douceur avec laquelle sa mère abordait les choses, épilepsie comprise, des médicaments au goût abominable à l’époque, des jours passés au lit. De la frustration de ne pas pouvoir passer son permis. Et puis, à partir de sa première grossesse, tout a été fini, réglé, terminé : elle n’a plus eu la moindre crise depuis.
Sylvie und Adrien
„ Désormais tu mèneras une vie de moine. “
Sylvie a perdu son fils de 36 ans d’une SUDEP (mort subite en épilepsie) Elle relate la découverte de l’épilepsie (Adrien avait 23 ans), et la façon dont il s’en arrangeait. Ses projets, le stress du travail. Et puis sa mort à lui, son deuil à elle. Elle parle aussi de ce qui doit être mieux expliqué, raconté plus souvent, être pris plus au sérieux, y compris par un certain nombre de médecins, pour éviter de telles tragédies. Elle raconte son engagement auprès d’Epilepsie France, dit en quoi il l’aide, elle, et en aide d’autres.
La galette
En janvier je me rends à une après-midi galette organisée par le groupe local parisien d’Epilepsie France. Réflexions sur cette journée : pourquoi il est indispensable que ce genre de rencontres existe, comme il est triste que ce soit le seul moyen, souvent, de trouver enfin une certaine manière d’être ensemble. J’en profite pour partager certaines anecdotes édifiantes entendues ce jour-là.
Laurène
Tomber: se relever.
Laurene (la trentaine) souffre d’épilepsie depuis toujours. Elle a été opérée il y a quelques mois : une hippocampectomie. Elle parle de l’opération, avec ses suites positives et négatives, et se souvient aussi de sa vie avant : l’école, la famille, l’habitude d’être à l’écart, et puis les projets et les cercles où elle s’est trouvée bien, où elle a fait sa place (l’engagement associatif, l’orchestre). Elle évoque un projet de famille inabouti, un couple qui a capoté. Mais bon, dit-elle, la liberté a du bon aussi, et s’occuper de moi-même est un objectif suffisamment prenant.
Sophie et ses filles
„ Et là, allez, hop ! “
Sophie a 52 ans. Quelques semaines avant son dix-huitième anniversaire, elle a eu sa première crise. Elle raconte sa jeunesse, les difficultés au travail– elle n’a pas toujours été traitée correctement, les ajustements de traitement, les effets secondaires des médicaments, le dialogue avec les médecins. Elle aussi est bénévole auprès d’Epilepsie France. Elle parle de ses deux filles et de leur manière de vivre la maladie de leur mère. Et elle aborde aussi des questions de sexualité, dont, trouvons-nous toutes les deux, on ferait bien de parler plus souvent et plus ouvertement.
Feynman
„ Une connaissance sans forme d’idée. “
F. a 21 ans et a depuis l’enfance une épilepsie qui n’a pas été diagnostiquée d’emblée. Il n’en a encore jamais autant parlé, parfois un peu avec son meilleur ami. Depuis longtemps il n’y a plus trop pensé, car les crises se raréfient, même s’il oublie régulièrement de prendre ses médicaments, ou fait des « bêtises » : faire de la musique toute la nuit, fumer des joints… Il a le souvenir de sensations, de moments, de règles et de réactions qu’il ne comprenait pas. Il essaye de trouver les mots les plus précis possibles pour dire ce qu’il ressentait. Et il analyse des différences culturelles qui ont leur importance dans notre rapport au corps, à ce qui se dit ou non, à la maladie.
Addendum
Je reçois l’épais dossier médical de mon frère Bruno, demandé il y a des semaines et qui arrive dans ma boîte aux lettres juste quand je viens de finir d’écrire ce livre.
Je suis invitée à participer à une session d’éducation thérapeutique, une session du programme allemand MOSES : et suis émerveillée de découvrir en quoi cela consiste, j’aimerais qu’il y ait partout, beaucoup plus, de tels programmes.
Lors de ma dernière rencontre avec l’épileptologue allemande qui m’a invitée justement à ce programme d’ETP, et que je retrouve à Paris, nous nous retrouvons devant la tombe de mon frère. Le livre finira sur ces larmes qu’elle verse alors, et sur cette drôle de joie profonde, qui surgit, là, à se tenir presque à trois dans un petit vent froid. Celui d’un changement, j’espère. they might have.
« Tout tombe »
est disponible sur le site BoD édition